Application linéaire#
Dans toute la suite, sauf indication contraire, un espace vectoriel désignera un espace vectoriel réel.
Definition 10
Une application \(A\) d’un espace vectoriel \(E\) vers un espace vectoriel \(F\) est une application linéaire si
\(A(\mathbf{x}_{1}+\mathbf{x}_{2}) = A(\mathbf{x}_{1}) + A(\mathbf{x}_{2})\) pour tout \(\mathbf{x}_{1},\mathbf{x}_{2}\in E\).
\(A(\lambda\mathbf{x})= \lambda A(\mathbf{x})\) pour tout \(\mathbf{x}\in E\) et tout scalaire \(\lambda\in\mathbb{R}\).
Pour désigner une application linéaire, on lit parfois homomorphisme, dans un langage plus “savant”, car une application linéaire préserve la structure d’espace vectoriel :
Soit une application linéaire d’un espace vectoriel \(E\) vers un espace vectoriel \(F\), alors
l’image de \(A\), noté \(Im(A)\), est un sous espace vectoriel de \(F\).
le noyau de \(A\), noté \(Ker(A)\), est un sous espace vectoriel de \(E\).
Example
L’application \(A\) faisant correspondre à toute fonction \(f\in E=\{ \mbox{fonction dérivable dans un ouvert }\Omega\subset\mathbb{R}^d\}\), sa fonction dérivée \(f^\prime\) est une application linéaire de \(E\) vers \(F\), l’ensemble des fonctions continue sur \(\Omega\) :
On remarque que
\(Ker(A) = \{\mbox{fonctions constantes}\}\)
\(Im(A) = F\)
On note souvent \(A\mathbf{x}\), l’image d’un vecteur \(\mathbf{x}\) par une application linéaire \(A\), au lieu de \(A(\mathbf{x})\). C’est essentiellement parce qu’en représentation matricielle (voir plus loin) l’application (linéaire) correspond à un produit de matrice.
Remarquons que si \(A\) est une application linéaire alors on a nécessairement $\(A(\mathbf{0}) = \mathbf{0}.\)$
Proposition 4
Une application linéaire est entièrement déterminée par les images des vecteurs d’une base de l’espace de départ.
En effet, si \((\mathbf{x}_{1},\dots,\mathbf{x}_{n})\) est une base de \(E\) alors tout vecteur \(\mathbf{x}\) se décompose de manière unique
Alors la linéarité de \(A\) permet de calculer \(A(\mathbf{x})\) à partir des vecteurs \(A(\mathbf{x}_{i})\) :
Opérateurs linéaires#
Dans le cas particulier où l’espace d’arrivée est le même que l’espace de départ, on parle d’opérateur :
Definition 11
Un opérateur linéaire sur un espace vectoriel \(E\) est une application linéaire définie sur \(E\) à image dans le même espace \(E\); on lit aussi endomorphisme sur \(E\).
Definition 12
Si un opérateur linéaire \(A\) sur \(E\) établit une bijection de \(E\) vers \(E\), on dit que \(A\) est inversible.
On peut alors définir l’opérateur linéaire réciproque \(A^{-1}\) sur \(E\):
On a également \(A ( A^{-1}\mathbf{x})= \mathbf{x}\) et \(A^{-1}\) est linéaire.
Theorem 5
Soit \(A\) un opérateur linéaire sur un espace vectoriel de dimension finie \(E\), alors les conditions suivantes sont équivalentes:
A est injectif
A est surjectif
A est bijectif
Preuve
Supposons que \(X\) soit de dimension égale à \(n\) et soit \((\mathbf{x}_{1},\dots,\mathbf{x}_{n})\) une base de \(X\). D’après la linéarité de \(A\), l’image de \(A\) est engendré par le système de \(n\) vecteurs \(S= (A\mathbf{x}_{1},\dots,A\mathbf{x}_{n})\), on en déduit que \(S\) engendre \(X\) (autrement dit que \(A\) est surjectif) si \(S\) est un système libre.
Montrons que si \(A\) est injectif alors \(A\) est surjectif.
Si \(A\) est injectif, cela signifie que \(A\mathbf{x}=0 \Longrightarrow \mathbf{x}=0\). Or si
on a par linéarité de \(A\)
mais comme les \(\mathbf{x}_{i}\) sont une famille libre, on obtient que les coefficients \(\alpha_{i}\) sont nécessairement tous nuls. Autrement dit que le système \(S\) est libre.
Réciproquement, montrons que si \(A\) est surjectif alors \(A\) est injectif.
Si \(A\) est surjectif cela signifie que le système \(S\) est libre. Alors si \(\mathbf{x}= \sum \alpha_{i}\mathbf{x}_{i}\) annule l’opérateur \(A\) : \(A\mathbf{x} = 0\), alors par linéarité on a
mais puisque \(S\) est une famille libre, cela signifie que les coefficients \(\alpha_{i}\) sont tous nuls, autrement dit que \(\mathbf{x}\) est nécessairement nul, ce qui prouve que \(A\) est injectif.
Cas d’un espace vectoriel dimension infinie
Le théorème précédent n’est plus vrai si \(E\) est de dimension infinie:
Pensez à l’espace vectoriel des suites numériques et l’application qui enlève le premier élément de la suite[^3] qui est une application surjective de l’espace des suites vers lui même mais qui n’est pas injective puisque le noyau n’est pas réduit à 0, c’est à dire la suite infinie de 0.
Encore quelques définitions :
Definition 13
On note \({\mathscr L}(E,F)\) l’ensemble des applications linéaires d’un espace vectoriel \(E\) vers un espace vectoriel \(F\).
Si \(A_{1}\) et \(A_{2}\) sont dans \({\mathscr L}(E,F)\) et si \(\alpha_{1}\) et \(\alpha_{2}\) sont deux scalaires, on définit l’application \(\alpha_{1}A_{1} + \alpha_{2}A_{2}\) par
Naturellement on a \((\alpha_{1}A_{1} + \alpha_{2}A_{2})\in {\mathscr L}(E,F)\).
Proposition 5
\({\mathscr L}(E,F)\) possède également une structure d’espace vectoriel.
Cas des opérateurs linéaires
Dans le cas des opérateurs linéaires, au lieu de \({\mathscr L}(E,E)\) on écrit plus simplement \({\mathscr L}(E)\).
Definition 14
Si \(E\), \(F\) et \(Z\) sont trois espaces vectoriels et si \(A\in {\mathscr L}(E,F)\), \(B\in {\mathscr L}(F,Z)\), on définit leur produit \(BA\) comme étant la composée de \(A\) et \(B\) :
On a alors \(BA \in {\mathscr L}(E,Z)\).
Warning
Attention même si \(E=F=Z\), le produit d’opérateurs linéaires ne commute pas, i.e.
Definition 15
Pour \(A \in{\mathscr L}(\mathbb{R}^{n}, \mathbb{R}^{m})\), on peut définir une norme de \(A\) par le sup de tous les vecteurs \(\|{A\mathbf{x}}\|\) quand \(\mathbf{x}\) parcourt la boule unité de \(\mathbb{R}^{n}\) centrée en 0 :
Par linéarité, on a alors toujours l’inégalité :
Theorem 6
Si \(A\in{\mathscr L}(\mathbb{R}^{n}, \mathbb{R}^{m})\) alors \(\|{A}\| < +\infty\) et \(A\) est une application uniformément continue sur \(\mathbb{R}^{n}\).
Si \(A,B \in{\mathscr L}(\mathbb{R}^{n}, \mathbb{R}^{m})\) et si \(\alpha\) est un scalaire alors
\[ \|{A+B}\| \leq \|{A}\|+ \|{B}\| \qquad \|{\alpha A}\| = \|{\alpha}\|{A}\|. \]Si \(A \in{\mathscr L}(\mathbb{R}^{n}, \mathbb{R}^{m})\) et \(B \in{\mathscr L}(\mathbb{R}^{m}, \mathbb{R}^{p})\) alors
\[ \|{BA}\| \leq \|{A}\| \|{B}\|. \]
Preuve
Soit \(\mathbf{x}\) un vecteur tel que \(\|{\mathbf{x}}\|=1\). \(\mathbf{x}\) se décompose dans la base canonique sous la forme
Puisque
On a alors nécessairement \(\|{\alpha_{i}}\leq 1\), d’où
Puisque nous avons pour tout \(\mathbf{x}\), \(\mathbf{y}\in \mathbb{R}^{n}\),
on en déduit l’uniforme continuité.
De la linéarité de \(A\), nous obtenons facilement
de même
Enfin, on a
Quelques exemples d’espaces vectoriels et d’applications linéaires#
On note \(\mathbb{R}_{n}[X]\) l’ensemble des polynômes réels de degré \(\leq n\).
L’espace des fonctions définies sur un intervalle de \(\mathbb{R}\) (c’est un e.v. de dimension infinie)
L’ensemble des applications linéaires de \(\mathbb{R}^{n}\) dans \(\mathbb{R}^{m}\).
L’espace des matrices \(n\times m\) (de dimension \(mn\)).
L’ensemble des solutions d’une équation différentielle ordinaire homogène linéaire à coefficients constants ou non (dimension finie).
L’ensemble des solutions d’une équation aux dérivée partielles linéaires homogène.
Exercice : Pour chacun de ces exemples donner un sous-espace vectoriel.